Sunday, 1 December 2013

Erevan: une ville dont j'ai divorcé



J'ai hésité beaucoup avant d'écrire un billet sur ma ville propre, Erevan. Mes relations avec ma ville sont devenues compliquées comme ceux des anciens amants. Nous nous aimions pendant des années, mais aujourd’hui nous sommes divorcés, Erévan et moi. Je l'ai quitté, en le laissant aux autres.


Je ne veux pas donner trop de détails historiques ou géographiques ici. Après tout, tout cela se trouve dans Wikipedia . Je préfère plutôt a réfléchir sur les relations complique que j’ai avec ma ville.

Ma ville est trop mutable. Je me demande si toutes les villes sont comme ça. Ayant presque 3 mille ans d’histoire, l’image de la ville change avec chaque période historique. La ville se débarrasse de tout ce qui peut évoquer les mémoires de la passé… Je me demande pourquoi ça arrive à Erevan. Je n’ai jamais vu un phénomène pareil nulle part…

Même pendant la durée de ma vie, Erevan a changé son profil plusieurs fois. La ville de mon enfance, Erévan des années 1980s, était une ville soviétique, avec un petit centre plus vieux, une relique d’Erévan présoviétique. L’image architecturale de la ville réussit à joindre beaucoup d’éléments ethniques avec les meilleures traditions de l’architecture soviétique, mais quand même on pourrait toujours voir l’influence idéologique. Malheureusement, c’est l’idéologie qui a détruit beaucoup de l’architecture de 19e siècle – comme relique du passé monarchiste. Quand même, Erevan de mon enfance était une belle ville, une de plus libres et libérales villes de l’Union Soviétique. Beaucoup de l’art contemporain, beaucoup de jazz, les intellectuels dans les cafés, l’air de l’opposition et le pressentiment de changement à venir. 


Puis, en 1990, l’Union Soviétique a chuté et mon pays a été plongé dans une guerre. Erévan de cette époque était laid, froid et sale. Pendant des années nous n’avions ni d’électricité ni de chauffage dans nos appartements, les cafés se sont vidés, et même si le jazz et l’art contemporain n’avait pas complètement disparu, il nous fallait penser tout d’abord de la guerre, il fallait battre et survivre. Même 20 ans âpres, je sens toujours le froid que j’ai eu en attendant dans les lignes pour acheter du pain, le pain était rationnée, les lignes étaient longues, et les gens ne ressemblaient du tout les Erevanais de mon enfance : trop fatigues, trop stressés. Nos maisons en pierre rose, le tuf, sont devenu gris à cause du fume des poêles improvisés que nous avions mis dans nos appartements modernes pour nous réchauffer.

La démolition du vieux Erévan
On est sorti de la guerre et de la crise vers la fin du siècle. Le 21e promettait une nouvelle vie à Erevan et à nous tous. Ça y était, la nouvelle vie…

Cette troisième transformation était pour moi le plus dure. Car ma ville est devenue une marchandise. Vendu aux nouveaux riches, le centre historique était démoli complètement. Les édifices commerciaux, les centres de commerce, les restaurants pleins du chic, souvent d’un gout douteux. Je ne sais pas comment décrire ce sentiment, mais un jour, pendant une de mes promenades traditionnelles, j’ai compris que j’ai perdu le lien avec ma ville. La décision était prise. J’ai divorcé de ma ville. 

 
La rue où je suis née en processus de démolition

Est-ce que je vais revenir? Je ne sais pas encore. Peut-être un jour je serai prête à accepter ces changements. Aujourd’hui, je les rejette.

Avenue du Nord construit au lieu du centre historique



2 comments:

  1. De beaux et bons billets qui vous font aussi pratiquer votre français écrit. J'ai été aussi emballé par votre billet sur Venise qu'attristé par celui sur Erevan.

    Bonne fin de trimestre !

    PL

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    1. Merci de votre commentaire, M. Leroux, désolée de l`avoir manqué! Effectivement, mon choix de l`Université de Montréal est expliqué par cette raison même: il me faut pratiquer mon français:)

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