Chaque voyage en Turquie pour une Arménienne comme moi
est une épreuve, un examen. Plus d’un million des Arméniens ont été exterminés
en Turquie au début de 20e siècle (http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nocide_arm%C3%A9nien).
Jusque maintenant, la Turquie ne reconnait pas le génocide commis par son
gouvernement. En plus, les relations entre l’Arménie et la Turquie aujourd’hui
sont très compliquées : pas de relations diplomatiques, un investissement des
frontières terrestres de l’Arménie par la Turquie, les cas des répressions de
la minorité arménienne qui survie encore en Turquie…
Le Bosphore |
En tant que journaliste, j’ai visité la Turquie cinq ou
six fois. C’est toujours un voyage émotif. Je me pose des questions, je rencontre
les gens qui sont différents – de moi, mais aussi des stéréotypes que j’ai de
turcs, j’essaie de surmonter mes préjugés et mes idées préconçues, crées par la
mémoire collective de mon peuple et par notre histoire tragique, j’essaie
d’être objective. Et je trouve souvent des penseurs progressifs en Turquie qui
me donne d’espoir que la paix et la réconciliation sont possibles.
Mais surtout, mes visites en Turquie sont une rencontre
avec une des villes les plus vibrantes et les plus fascinantes du monde,
Istanbul.
Tour Galata |
Istanbul vous éblouira du premier moment de votre
rencontre, par le bleu du Bosphore, le bleu de la mer Marmara, le bleu de la
mer Noire, le bleu du ciel, le bleu de sa célèbre Mosquée Bleu. Istanbul vous
étonnera par le quartier des arts autour du Tour Galata, par les nombreux
pêcheurs sur les quais, les bâtiments du style Empire ottoman, un style qui
ressemble parfois aux maisons Haussmann de Paris, mais qui est encore plus
orné, avec une touche d’Orient. Istanbul, une ville avec laquelle il ne me fallait pas
tomber amoureuse, mais comment puis-je résister ?
Cette ville va vous offrir un
mélange de l’ Europe et de l’Asie, qui vous ne verrez pas nulle part, ailleurs
dans le monde. Et les personnages que vous rencontrerez ici, vous ne les oublierez
jamais. Une jeune fille kurde, une étudiante à une des universités d’Istanbul,
une fille de 18 ans tout comme ceux en Amérique du Nord, une fille qui porte
des jeans et des chaussures des course.. Cette fille gagne de l’argent pour
payer ses études en travaillant dans un café comme une voyante. Elle regarde
votre tasse après que vous avez bu votre café trè fort, comme on le fait en
Orient (et en Arménie, aussi) et elle vous dira tout, je vous jure! Un
propriétaire d'un petit restaurant de poissonnerie sur la rive du Bosphore qui
partage son narguilé avec sa femme et qui surveille son restaurant sans
prononcer un mot pendant toute la soirée. Un peintre qui vous regarde
attentivement et vous demande d'où vous êtes, et en attendant le mot dangereux,
l'Arménie, sourit et dit «Bonjour» en arménien...
Palais Dolma Baktché |
Istanbul
me touche au cœur chaque fois que j y vais. Mais toujours, en me promenant dans
ses rues, en sentant la mer, je n'arrive pas à me débarrasser d'une scène qui
me hante. Le 24 avril 1915. Les intellectuels arméniens d'Istanbul, la crème de
la crème de mon peuple, ils ont été raflés et fusillés par le gouvernement de
Jeun-Turcs, accusés d'un complot contre la Turquie. Ici, à l'Istanbul, une
ville qui me coupe de souffle par ses couleurs, par sa diversité, par son
énergie et vivacité. Une ville que j'adore et déteste en même temps. Mais une
ville qu'il faut absolument visiter.